Douce dépendance

C’est un vendredi 13 qui avait été choisi par le ministère des solidarités et de la cohésion sociale et les services déconcentrés de l’Etat pour organiser en région Bourgogne (à St Apollinaire en Côte d’Or) le débat national sur « la dépendance », sans doute une manière de porter chance à cette rencontre qui n’a pas vraiment mobilisé les foules. Je m’y suis rendu dans l’intention de me forger en direct une opinion personnelle et la partager sur ce blog. C’est une impression très mitigée qui en ressort.

Pour commencer, alors même que la création d’un « 5ème risque » était annoncée et attendue depuis plusieurs années, c’est un débat sur « la dépendance » qui a finalement été proposé, l’intitulé étant pourtant jugé inapproprié par la plupart. Et quand on lit de plus près le thème de la deuxième table ronde « Assurer une prise en charge de qualité des personnes dépendantes » on y retrouve les deux expressions régulièrement contestés : En effet, tout le monde est plus ou moins dépendant ou interdépendant tout au long de la vie et la perception péjorative de ce mot associé à la vieillesse fait l’objet depuis longtemps d’un rejet quasi unanime. Quand à l’expression « prise en charge », elle maintient l’idée répandue à tort que la personne âgée est une charge pour la société alors qu’elle est une richesse sur de nombreux plans y compris économique par le nombre d’emplois générés. En fait, de quoi voulait-on nous parler exactement : du vieillissement, du handicap, ou plutôt de la perte d’autonomie ? Mais il n’y a pas d’âge non plus pour vivre des pertes d’autonomie et c’est ce qui a été affirmé dès les premières interventions en regrettant que la loi du 11 février 2005 abolissant la barrière des 60 ans créé en 1928 ne soit pas encore appliquée. Donc, sans parvenir à une clarification thématique et sémantique satisfaisante, la matinée s’est néanmoins déroulée avec des contributions tournant autour de « société et vieillissement ». Je ne vous en restituerais pas l’énoncé chronologique que vous pourrez normalement retrouver prochainement sur le site officiel mais je vais essayer de vous en transmettre une synthèse :

1. Les Principaux Constats :

– Il est confirmé que la Bourgogne présente une population plus âgée que la moyenne nationale et la tendance devrait se poursuivre d’ici 2040
– Les établissements et services aux personnes âgées paraissent en nombre suffisant en Bourgogne mais inégalement répartis et l’offre et la demande ne se rencontrent pas toujours. Les infrastructures pour la plupart ont été bien améliorées mais les moyens en effectifs et qualification des professionnels restent très insuffisants.
– Il apparait en permanence une grande inégalité entre territoire urbain et rural avec des difficultés accrues dans les lieux à faible densité de population.
– Il existe de multiples autres inégalités que celle liées au territoire, comme la prise en compte des critères évaluant les pertes d’autonomie, les aides attribuées (PCH et APA)
– La participation financière des personnes en perte d’autonomie est trop élevée par rapport au niveau des pensions de retraite perçues.

(voir pour le détail des chiffres l’ensemble des études réalisées ces dernières années et en particulier les derniers chiffres de l’INSEE publiés la semaine dernière)
http://www.lejsl.com/fr/permalien/a…
http://www.insee.fr/fr/themes/docum…
http://www.ors-bourgogne.org/index….

2. Les Principales Contributions (tables rondes et public)

– Avant tout prévenir les pertes d’autonomie et renforcer les dépistages : il existe déjà de nombreux programmes existant (ateliers équilibre, l’alimentation, la préparation de la retraite, l’accompagnement du veuvage…)
– Améliorer l’habitat, sensibiliser les bailleurs, sécuriser les seniors, lutter contre l’isolement et inventer de nouveaux espaces de vie comme les expériences de St Apollinaire, de Couches de la FEDOSAD ou des « villages bleus »
– Aider, former, soutenir et proposer du répit aux aidants avec la participation d’associations (comme par exemple Alzheimer 21 représentée au débat) ou le « baluchonnage »
– Trouver des solutions pour les handicapés vieillissants et pour les handicapés dont les parents vieillissants s’occupent.
– Améliorer la prise en considération des problématiques spécifiques des migrants vieillissants
– Assurer une meilleure pris en compte des déficiences sensorielles
– Harmoniser et coordonner les dispositifs par des réseaux, des accords entre services décentralisés et déconcentrés (ARS / conseil Généraux)
– Revoir les critères des grilles AGGIR, des plans d’aide, mieux cerner les éléments psychiques et environnementaux
– Eviter la double peine, ne pas lier le coût de la perte d’autonomie aux revenus des personnes. Exclure du prix de journée résident en EHPAD le coût des charges liées aux investissements et aux personnels administratifs

3. Des Contradictions et des « lobbyistes »

Alors que tout le monde s’accorde sur la disparité des situations en insistant sur le fait qu’il est important de trouver des réponses adaptées à chaque situation, les défenseurs d’une égalité entre citoyens revendiquent le principe de réponses identiques pour tous. Par ailleurs, si les bonnes idées sont nombreuses, Les ressources financières et le nombre de professionnels stagnent ou diminuent comme le confirme la circulaire budgétaire 2011. D’où les éléments de langage itératifs évoquant l’amélioration des organisations, la rationalisation, la modernisation, les redéploiements et les coopérations.

A noter l’intervention depuis l’assistance, de représentants d’organismes, associations et fédérations représentants diverses catégories d’usagers, d’organisations syndicales en particulier les branches soutenant les retraités disposant de faibles pensions, d’un représentant d’un groupe privé lucratif d’EHPAD sollicitant plus d’accord public / privé, affirmant dans un lapsus révélateur que le privé pourrait collaborer tandis que le public aurait beaucoup à apporter au privé (allusion aux gains possibles à en espérer pour alimenter des actionnaires), et enfin d’un représentant des compagnies d’assurances qui dit que la profession est également toute prête à collaborer…

4. Une affaire de femmes

Ce fut une satisfaction de constater, entre autres, que les trois représentants de l’Etat à officier (Mme la Préfète, Mme la Directrice de l’ARS et Mme la secrétaire d’Etat à la cohésion sociale) étaient des femmes à des postes de responsabilité, d’autant que le sujet, on le sait concerne majoritairement les femmes qu’il s’agisse des personnes en perte d’autonomie ou des professionnels de terrain.

5. Les réponses de la Secrétaire d’Etat

La secrétaire d’Etat a tout d’abord rappelé aux syndicalistes présents dans la salle qui se succédaient pour lire des déclarations, que leurs représentants avaient déjà tous été auditionnés par le ministère, que la question de la barrière d’âge à 60 ans était en cours mais difficile à mettre en place et qu’elle était très soucieuse d’améliorer le soutien aux situations de déficits sensoriels. Elle a ensuite indiqué que les débats visaient l’exhaustivité permettant ensuite de construire des solutions en deux temps : A court terme avec des décisions à l’automne, puis à long terme (2030-2040) avec de la prévention, de la créativité, de l’équité tout en prenant en compte les spécificités de territoire.

6. Un sujet habilement contourné : Les moyens et les modalités de financement

Il est incontestable que le thème « société et vieillissement » justifie tout à fait de larges consultation de l’opinion citoyenne même si parallèlement ce genre de grand débat fait souvent illusion de démocratie participative tant parce que les arbitrages sont souvent déjà fait que parce que les solutions de nature consensuelle ne satisferont finalement personne.

C’est exactement ce qui semble se passer : Un certain nombre de personnes se sont exprimées sans que l’on apprenne finalement grand-chose que ce que l’on savait déjà pour peu que l’on soit déjà concerné par le sujet, ce qui était le cas de la majorité des participants. Il a été rappelé que les objectifs du plan grand âge en particulier le ratio d’un pour un en EHPAD était encore loin d’être atteint ce qui mettait quotidiennement ces établissements dans de grandes difficultés pour satisfaire légitimement à toutes les injonctions de qualité. Mais en ce qui concerne les sources de financement la réponse a été : « Il y a beaucoup de possibles (…) mais ce ne sera pas sur des déficits publics pour ne pas alourdir la dette des générations futures. » assortie d’une évocation hasardeuse à un projet aussi ambitieux que celui du Conseil National de la Résistance.

Pour en savoir un peu plus, il faut lire l’interview accordé par la secrétaire d’état à la presse locale la veille du débat : http://www.lejsl.com/fr/permalien/a...
 Elle y affirme savoir que les français restent attachés à un système solidaire mais qu’ils sont 5 millions à avoir contracté une assurance perte d’autonomie et que l’épargne sous la forme d’assurance vie est aussi pratiquée par un certain nombre, confirmation qu’un financement par capitalisation ne sera pas exclu. Elle indique également la piste possible d’une assurance complémentaire à l’image de celle existant pour la maladie et évoque des solutions qui seront « douces », compatibles avec les attentes des compatriotes…

Espérons que cette douceur ne se transforme en amertume !

Enfin, pour conclure, un étonnement personnel : Il n’y a eu me semble-t-il aucune évocation, lors des débats, des problématiques liées à l’expression du choix de la personne dans les solutions proposées pour l’aider lors d’une perte d’autonomie, en particulier le choix de refuser une solution contraire à ses vœux. Sans doute parce que cela va de soi… mais çà va quand même encore mieux en le disant.

Si vous souhaitez réagir, n’hésitez pas à ajouter un commentaire sur ce blog et rendez-vous également sur le site officiel du débat national pour y inscrire vos souhaits.http://www.dependance.gouv.fr/

Lire aussi la synthèse du dernier baromètre SOFRES – FHF – Le Mensuel des Maisons de Retraite:
http://www.acteurspublics.com/files…

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